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A quelques jours de Roch Hachana, qui vient clore l’année hébraïque et annoncer un cycle nouveau, la communauté juive avignonnaise se prépare à une cérémonie désenchantée et morose : la fête est en effet célébrée cette année quelques jours avant l’anniversaire des attentats du 7 octobre 2023 en Israël. Symboles de prospérité traditionnellement servis à la table du Nouvel An hébraïque, des grenades devraient arriver de Jérusalem, mais un producteur de Nîmes (Gard) vient généreusement de proposer un cageot de fruits locaux à Xavier S., membre actif de la synagogue d’Avignon. Un geste bienvenu, à l’heure où la communauté juive du Vaucluse vit sous tension, après l’incendie criminel qui a visé la synagogue Beth-Yaacov de La Grande-Motte, dans le département voisin de l’Hérault, le 24 août.
« Nous sommes désabusés et la peur a poussé certains membres de la communauté à déserter nos lieux de culte pour les fêtes qui arrivent. Un climat désagréable s’est installé depuis le 7-Octobre, les juifs se sentent abandonnés, certains pensent à quitter la France », explique Xavier S. qui craint pour sa sécurité s’il donne son nom complet. « La préfecture est obligée de protéger la synagogue au moment des offices et le rabbin est sous protection policière depuis qu’il s’est fait agresser, en novembre 2023 », poursuit le quadragénaire, assis dans la synagogue d’Avignon.
Protégés par les prélats d’Avignon entre 1274 et 1791, tout en étant contraints de vivre dans certains quartiers, les juifs du pape sont l’une des communautés juives les plus anciennes de France. « En Avignon et dans le Comtat Venaissin, ancien Etat pontifical, ils ont échappé aux exigences de conversion et d’expulsions que les Capétiens puis les Valois ont imposées aux juifs partout ailleurs dans le royaume. Rappeler la protection dont ils ont fait l’objet, cette longue histoire partagée avec la France, qui débouchera sur l’émancipation de 1791, qui accorde aux juifs les mêmes droits que les autres citoyens, c’est corriger une tache restée aveugle dans le récit national. Et c’est peut-être une façon de combattre les discours antisémites », estime Paul Salmona, historien et directeur de Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris. Haïm Korsia, grand rabbin de France, souligne, lui aussi, l’ancrage de ce judaïsme très français qui, grâce à la tutelle des papes, a permis des échanges féconds avec les autres communautés locales.
Mais ces temps de concorde semblent bien loin et, à Avignon, la communauté est gagnée par le repli sur soi. « Pour vivre heureux, vivons cachés, cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui pour nous, les juifs », raconte Claude Nahoum, représentant de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme du Vaucluse, ancien président de la communauté juive d’Avignon et conseiller municipal. « Nous vivons avec le sentiment d’être devenus des boucs émissaires. Le dilemme des dernières élections législatives a été terrible : pour beaucoup, le choix entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, avec La France insoumise en tête de pont, a été impossible à trancher. Tout cela rend l’avenir des juifs en France très incertain », explique-t-il.
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